Originaltext der Verhörprotokolle des Jehan
Gillemer (Paris, Archives nationales, J 950, nos 13, 14) nach: Albert Lecoy de La Marche, Interrogatoire d’un
enlumineur par Tristan l’Ermite. Revue de l’art chrétien, ser. 5/III,
1892, S. 396–408, hier S. 406–408. Abschrift: Susanne Rischpler |
[1] Du XXIIIe jour de
janvier IIIIc LXXII : [2] Interrogué qui lui a
baillé certain brevet contenant memoire signé en teste L., ouquel est escript
ce qui sensuit : Memoire de passer à Saint-Martin de la Cosdre, près
Saint-Jehan d’Angely, en tirant vers Pauléon, et de parler à ma damoiselle du
dit lieu de Saint-Martin, qui veult faire faire unes heures, et est ma dite
damoiselle femme de Loys Baudet, maistre d’ostel de monseigneur de Guyenne.
Et au dessoubz en deux lignes sont escrips noms qui s’ensuivent : Simon
Luillier, à Saint-Jehan ; Johannes Demeré ; Pontville, vicomte de Brollas ;
messire Jehan Breton. Dit, en tant que touche la femme du dit Loys Baudet,
que, trois moys et demi a ou environ, qu’il estoit au lieu de Latillé,
distant de cinq lieues de Poictiers, logé chez François Lévesque, il arriva
ou dit logeis ung nommé maistre Phillebert (ne scet son seurnon), qui se
disoit serviteur de ladite damoiselle : et, pour ce que il qui parle lui dist
qu’il esteit enlumineur et avoit de belles heures à vendre, le dit maistre
Phillebert lui dist qu’il allast à Saint-Martin de la Cosdre, près
Saint-Jehan d’Angely, ouquel lieu se trovoit la dite damoiselle, laquelle
voulloit avoir unes heures ; et dist le dit Phillebert à il qui parle qu’il
savoit bien qu’elle les achèteroit ou lui en feroit faire unes autres, et
qu’elle en voulloit avoir unes du pris de XXV escuz ; mais dit qu’il n’alla
point devers la dite damoiselle, et s’en retourna à Bordeaulx et à
Saint-Sever, pour parler à madame la princesse, qui l’avoit envoyé querir au
dit lieu de Latillé par ung Johannes Demeré, cy dessus nommé, pour ce que la
dite dame avoit à besogner d’unes heures et autres choses de son mestier
d’enlumineur. [3] Interrogué que
signiffient ces noms escrips dessoubz le dit brevet et qu’il y entend, dit
que ce sont les noms des personnes à qui il avoit à besogner à Saint-Jehan
d’Angely, et lesquelz le dit Johannes lui avait nommez, afin de soy y
adresser et savoir où ledit Johannes estoit logé au dit lieu de Saint-Jehan ;
assavoir est qu’il se rendist chez le dit Simon Luillier, où souvent logeoit
ledit Johannes, savoir s’il y estoit ; et à Pontville, estant à Saint-Sever avec
monsieur de Guyenne, son maistre, ledit qui parle devoit parler, pour ce que
ledit Johannes lui avoit dit qu’il lui avoit escript ung petit psaultier et
qu’il falloit que il qui depose lui enluminast. Au dit messire Jehan
Lebreton, le dit qui parle voulloit parler à lui par ce qu’il est escripvain,
et lui dist le dit Johannes qu’il parlast à lui en passant, et que par
adventure lui bailleroit il à besogner ou lui ensengneroit où il pourroit
gaingner de son mestier d’enlumineur. Et autre intencion n’a eue ou dit
brevet fors en la manière qu’il a depposé cy dessus. [4] Interrogué à qui est
le dit Johannes et qui il est, dit qu’il est escripvain du dit seigneur de
Guyenne, et lui escript ung breviaire en lettre rommaine ; le scet parce
qu’il lui a veu besongner au dit lieu de Saint-Jehan d’Angely. [5] Interrogué sur ce
qu’il nous a depuis dit que, quant il se partit de Saint-Sever, où estoit
mondit seigneur de Guienne et madite dame la princesse, il s’en revint de-là
à Bourdeaulx, et depuis retourna audit lieu de Saint-Sever, savoir qu’il y
alloit faire ne s’il y porta ou rapporta aucunes lettres ou nouvelles : dit
que non, mais se partit du dit lieu de Saint-Sever pour venir à Bourdeaulx
faire relier unes heures qu’il avoit vendues au petit Anthoine, varlet de
chambre de mon dit seigneur de Guienne, lesquelles il reporta au dit petit
Anthoine, après ce qu’ilz furent reliées, au dit lieu de Saint-Sever ; duquel
lieu il se partit pour ce que mondit seigneur de Guienne, estant là, s’en
alloit à Hagemaulx ; et s’en vint le dit qui parle du dit Saint-Sever à
Bourdeaulx pour s’en venir par deçà, et dit, sur ce interrogué, que s’est le
chemin du dit Saint-Sever par Bourdeaulx à venir par deçà. [6] Interrogué, quant il
fut venu par deçà, qu’il alloit faire en la ville du Mans et en l’ostel de
monsr du Maine, ni s’il lui avoit apporté aucunes lettres ou nouvelles de par
le dit seigneur de Guienne ou de aultres de par de là : dit que non, mais y alloit
pour le veoir et lui demander ung peu d’argent qu’il lui doit de reste
d’aucuns livres qu’il lui a enluminez autrefoiz cuidant en estre payé ou que,
à l’occasion de sa dite debte et son service et qu’il est né de ladite ville,
icellui seigneur, quant il auroit parlé à lui, lui fist ou feist fère aucun
bien ou eust entretenement en sa maison pour soy vivre le temps avenir. [7] Interrogué qui lui a
baillez certain grant nombre de brevets esquelz es aucuns sont escriptes
plusieurs oracions de saints et saintes, et es autres pour garisons de dens
et de fièvres : dit qu’ilz et chascun d’eulx il a prins es lieux et passaiges
où il est passé et où il les trouvoit, c’est assavoir les oracions es eglises
et autres lieux saints, et les brevetz de médecins et garisons les a euz de
plusieurs personnes ainsi qu’il alloit par le pays ; et lesquelles choses il
a escriptes et mises en memoire pour soy en aidier à guerir et tous autres
qui l’en requerroient. [8] Interrogué où il a
prins ung brevet pour fere entreaymer les hommes et les femmes : dit que ung
Navarrois demourant à Bourdeaulx lui bailla audit lieu de Bourdeaulx, et lui
dist qu’il le feist mectre en escripte en parchemin vierge, et que par vertu
d’icellui brevet il entreroit [en] grâce de femmes et hommes, et lui en
pourrait venir ou temps avenir grant bien. Et est ce qu’il deppose pour le
présent. [9] Et le lendemain, au
matin, fut par nous ledit Jehan Gillemer mis en question extraordinaire, où
il a esté geheyné, lié et estandu, et par nous interrogué sur ses confessions
et autres pointz et articles dont avons esté advertiz ; mais n’a voullu
depposer fors que en la manière que cy dessus et en ses autres confessions a
depposé ; et nous a dit oultre, sur ce interrogué, qu’il estoit allé devers
monsr du Maine de gayeté de cuer et de sa voulenté, sans avoir charge de
nully de lui porter aucunes lettres ou nouvelles, mais pour lui dire qu’il
venoit de Guienne et avoit veu monsr de Guienne, son nepveu, qui estoit
malade de fièvres, et l’avoit veu monter à cheval au lieu de Saint-Sever pour
d’illec alier à Hagemaulx. Plus lui voulloit dire qu’il devoit enluminer unes
heures pour madame la princesse, sa niepce, dont il avoit marchandé avec
elle. Oultre plus dit qu’il lui voulloit dire que monsr de Guienne faisait faire
ung breviaire à l’usaige de Romme, et lui dire qu’il croyoit que, s’il le
demandoit à mon dit seigneur de Guienne, qu’il lui donneroit ; et dit que
toutes ces choses et chascune d’icelles il voulloit dire au dit monsr du
Maine pour avoir entrée avec lui en sa maison, aussi pour estre payé de ce
qu’il lui devoit à cause de ses services de quoy il l’avoit servi le temps
passé de son mestier d’enlumineur, que aussi qu’il lui pleust luy donner
aucune chose pour l’entretenement de sa vie le temps advenir. Et au regard du
brevet où il est contenu qu’il devoit passer par Saint-Jehan d’Angely pour
parler à la femme du maistre d’ostel de monsr de Guienne et autres inscrips
ou dit brevet, n’en a voullu depposer fors et en la manière que cy devant a
depposé. Et a prins sur son ame que au dit seigneur du Maine, à la femme du
dit maistre d’ostel, ne à autres qui soient vivans, il n’avait charge de
porter lettres ne dire aucune chose de bouche de par quelzconques personnes
qui soient vivans, mais est allé partout et fait de sa voullenté ce que
dessus est escript. Et quant aux autres brevetz, dont l’avons interrogué de
rechief, dit qu’il les a euz de plusieurs personnes et en plusieurs lieux où
il est passé, et les a ainsi enregistrez pour s’en cuidier aidier, mais dit
sur son âme que jamais ne s’en aida. Et autre chose n’a voullu depposer fors
que en la manière qu’il a devant depposé. Et est ce qu’il deppose. [10] Et, après qu’il a
esté hors de ladite geheine, lui avons fait lire ses dites deppositions au
long, esquelles il a persévéré, et lui avons ceste presente fait signer,
ainsi que les autres, comme cy appert. [11] Le premier jour de
février, l’an mil quatre cens soixante et onze, par nous Tristan l’Ermite,
chevalier, prevost, etc., fut de rechief interrogué Jehan Gillemer,
enlumineur, sur le contenu en certains articles à nous baillez, atachez à ce
present interrogatoire ; sur lesquelx articles et sur chascun d’iceulx il a
esté interrogué en la manière que cy après s’ensuit. [12] Et premièrement,
interrogué que signiffient, pour quoy ne à quelle cause il portoit avec lui
plusieurs petis brevetz escrips les ungs en latin et les autres en françois,
et sont les ungs pour guerir de fièvres et les autres pour mal de dens, et où
il les a prins : dit qu’il les a euz de pluseurs personnes dont il ne scet
les noms et en pluseurs païs et lieux où il s’est trouvé, et n’a memoire à
present où il les a prins, fors qu’il a memoire que, trois ans a ou environ,
lui estant à Crotelles, près Poictiers, ainsi qu’il passoit, se trouva à
boire en une taverne où illec trouva ung homme incongneu, et, pour ce que le
dit qui parle avoit mal aux dens et s’en plaingnoit, le dit homme incongneu
lui dist que, s’il voulloit, il le gueriroit bien, et de fait lui bailla ung
brevet en parchemin, et lui dist qu’il le portast sur soy et qu’il l’en
gueriroit, et le lui pendit le dit incongneu au col atout ung fillet, et
incontinent qu’il lui eut pendu fut guery ; et dit que, pour avoir ledit
brevet, il lui donna II sols VI deniers tournois. [13] Interrogué se depuis
il a point eu de mal aux dens : dit que oy, et a mis le dit brevet à son col
ainsi que l’autre lui avoit mis, mais pourtant n’en est aucunement guery. Et
dit, sur ce interrogué, que jamais ne l’essaia ne s’en voullut aidier depuis,
fors comme dessus, parce qu’il vit qu’il ne lui servoit de riens. Et est ce
qu’il deppose sur le premier article. [14] Interrogué sur le
deuxiesme article, que signiffient ne à quoy sont bons certains pseaulmes et oroisons,
et une oroison qui est en la fin d’iceulx, où il y a pluseurs croix
entrelacées et escriptes : dit que, trois ans a ou environ, lui estant en la
ville de Paris, ung nommé Guillonet (autrement ne scet son nom ne congnoist)
lui bailla les dites oroisons, et lui dist qu’elles estoient bonnes pour
porter sur soy, et quiconques les diroit tous les jours devant le Cruxifix,
il ne lui prendroit point de mal ; mais, sur ce interrogué, dit qu’il ne scet
que signiffent les dites croix ne à quoy servent les dites oroisons, fors
pour prier Dieu et le servir en bonne intention. [15] Interrogué que
signiffent ne de quoy servent plusieurs jours des moys de l’an inscriptz au
dessoubz et au bout des dites oroisons : dit que ce sont les jours desvoyez
des douze moys de l’an, que lui mesmes a extraictz à Poictiers en l’église de
Saint-Hilaire du dit lieu, et les print en ung livre estant à la librairie,
escript en latin, et les lui translata en françois ung nommé Jehan Adveu, à
présent decedé. [16] Interrogué sur le
troisiesme article, que signiffie ne à quoy est bon ung feullet de pappier où
dedans est escript le nom de plusieurs villes de Guienne : dit que, pour ce
qu’il a esté par plusieurs foiz ou dit pays de Guienne, ainsi qu’il alloit et
venoit par ledit pays, il escripvoit les noms des lieux et villes où il avoit
à besongner et à passer, afin qu’il ne peust faillir à aller droit son chemin
; et dit sur son ame que ledit brevet ne signiffie autre chose ne n’a esté
escript pour autre cause, et il y a deux ans passez qu’il est escript. [17] Interrogué sur le
quatriesme, que signiffie une paincture estant en ung autre feullet de
pappier, qui est la mesure de la longueur de Jhesu Crist, aussi plusieurs
croix et escriptures escriptes partie en latin et partie en françois, et de
quoy il s’en servoit : dit que, quatre ou cinq ans a ou environ, lui estant
en la ville de Brucelles, ung poursuivant qui, à son advis, estoit à
l’empereur d’Almaigne, lui bailla le dit feullet de pappier, et lui dist que
dedans estoit pourtraict la mesure de Jhesu Crist, à prendre à seize foiz de
longueur la dite pourtraicture. Et lui dist le dit poursuivant, qu’il ne
croignoist ne ne scet le nom, que ce il avoit prins et apporté de Jherusalem
d’une ordre de Cordelliers. Et lui dist plus le dit poursuivant que
quiconques le porteroit sur lui, jamais ne lui viendroit mal ; et à ceste
[fin] le print le dit qui parle le temps advenir, mais que signiffient les
croix ne pareillement l’escripture en françois et en latin il ne scet, fors
ainsi que dessus a depposé. [18] Interrogué sur le
cinquiesme article, que signiffient certains rondeaulx et escripture estans
pourtraictz en ung autre feullet de pappier où il y a plusieurs croix,
chiffres et escriptures : dit que, deux moys et demi a ou environ, lui estant
au lieu de Bourdeaulx, ung homme du païs de Navarre, qu’il ne congnoist ne
jamais n’avoit veu jusques à celle heure, lui bailla ledit feullet de
pappier, et lui dit qu’il le feist escripre et pourtraire pareil en parchemin
vierge et qu’il le portast tousjours sur lui, et que, s’il le faisoit il
seroit amé de toutes personnes, feussent grans ou petiz, par où il passeroit,
et ne lui declaira autre chose. Et dit sur son ame qu’il ne scet que
signiffient les dites croix, chiffres ne escriptures, et n’en scet autrement
que ainsi qu’il a cy dessus depposé. [19] Interrogué sur le
sixiesme article, que signiffient plusieurs chiffres et caractaires estans en
ung petit brevet de parchemin escrips pour aprendre à avoir l’amour d’une
jeune femme : dit que ledit Navarrois les lui bailla au dit lieu de
Bourdeaulx quant il lui bailla les rondeaulx dessus dits, et ne lui dist fors
seullement qu’il feist le contenu de ce qui estoit escript ou dit brevet, et
oultre qu’il le feist mectre en parchemin vierge ; mais dit sur la dampnacion
de son ame que jamais ne s’en aida ne voullut aidier, ne bailla à autre pour
soy en aidier ; et ne scet qui feroit le contenu ou dit brevet, s’il
s’accompliroit et s’il sera vray, parce que jamais ne l’essaya, comme dit
est, ne quelle puissance ne vertu il peut avoir. [20] Interrogué sur le
septiesme article, que signiffient ne à quoy est bon ung petit brevet de
parchemin, rompu en deux pièces, contenant remède d’apaisier deux hommes
quant ilz se entrebatent, qui lui a baillé ne où il l’a prins : dit que, ung
an a et plus, ung sien clerc, nommé Guillaume (autrement ne scet son nom),
lui bailla le dit brevet à Poictiers, et lui dist qu’il estoit bon aquant
deux hommes s’entrebatoient, et qu’il falloit prendre une pomme et escripre ce
mot : Hadan, inscript oudit brevet, et l’escripre en ladite pomme,
puis la gecter par terre entre les deux qui s’entrebatent, et ilz se
apaiseront ; mais dit sur son ame que oncques en sa vie il ne l’essaia ne ne
le fist, ne ne le bailla pour essaier à personnes qui soient vivans, et en
veult croire tous ceulx qui en sauroient parler. [21] Interrogué sur le
huictiesme article, que signiffie ung autre brevet en parchemin de la largeur
de demi doy, qui est escript en latin, et y a plusieurs croix : dit qu’il ne
scet qui lui a baillé, à quoy il est bon, de quoy il sert, ne qu’il
signiffie, fors qu’il lui semble qu’il est bon pour guerir des fièvres. [22] Interrogué sur le
neufviesme article, que signiffie ung rollet de pappier où il y a escript
plusieurs enseignemens pour savoir, quant on va dehors, s’on fera bien son
voyage ou mal, ne comment il lui est possible de le savoir, en sçavant le nom
de la première personne qu’on trouve à l’issue de la ville dont on se part :
dit que, deux ans a et plus, lui estant à Poictiers, ung cordellier nommé
frère Jean Boussin lui bailla le dit rollet, et lui dist que, quant il yroit
dehors et à l’issue du lieu d’où il se partiroit, qu’il prensist le nom du
premier homme ou de la première femme qu’il trouveroit ; puis après, qu’il
regardast le dit brevet, et selon le contenu d’icellui qu’il sauroit bien
s’il feroit bon voyage ou non par les lettres qui dedans sont inscriptes ;
mais dit sur son ame que jamais ne l’essaia ne bailla à autre pour l’essaier
; bien dit que autresfoiz a eu entencion de l’essaier, mais, quant il se
partoit d’aucun lieu, ne lui ensouvenoit. [23] Interrogué sur le
dixiesme article, pourquoy il escripvit en ung feullet de pappier et mectoit
en memoire de passer près Saint-Jehan d’Angeli, à Saint-Martin de la Couldre,
et de parler à la femme de Loys d’Aubeterre, maistre d’hostel de monsr de
Guienne : dit que ainsi qu’il estoit au lieu de Latillé, près Poictiers,
quatre moys a et plus, et s’en voulloit aller à Bourdeaulx, ung nommé maistre
Phillebert, estant audit lieu de Latillé, lui dist que la femme dudit maistre
d’ostel avoit à besongner d’unes heures du pris de xxv escuz, et que, s’il en
avoit point de belles, qu’il les lui portast, et qu’il savoit bien qu’elle
les achèteroit ou lui en feroit faire unes autres du dit pris ; mais sur son
ame dit qu’il n’y alla point, ne ne la veit oncques, ne jamais à elle il ne
parla, ne pareillement aux autres inscriptz oudit rollet. [24] Interrogué qu’il
avoit à besongner aux autres personnes et autres lieux inscrips oudit rollet
: dit qu’il n’y avoit que besongner, sinon leur demander s’ilz avoient à
besongner de lui de son mestier, parce que ledit messire Phillebert lui avoit
dit, au dit lieu de Latillé, qu’il s’adressast à eulx ; aussi avoit à
besongner illec à ung nommé Johannes, au dit lieu de Saint-Jehan, pour lui
parler de certaines heures que faisoit ledit Joannes, lesquelles il qui
depposé devoit enluminer, comme tout ce est escript plus à plain en ung autre
procès par nous ja à lui fait ; et dit sur la dampnacion de son âme que
esdits lieux et personnes il n’avoit à besongner que ce que dessus a depposé
; et est ce que signiffie ledit rollet et noms dedans inscriptz. [25] Interrogué sur le
onziesme article, que signiffient ne à quoy sont bonnes ne quelx vertuz ont
plusieurs oroisons inscriptes en ung rolle de pappier bien long, où il y a
plusieurs croix, et y est escript que toute personne qui portera la dite
oroison ne mourra de mort subite ; aussi s’elle est gectée sur une personne
qui aura le déable au corps, il en fera sortir ; pareillement, sur une femme
qui sera mallade d’effant et ne le pourra avoir, lui fera sortir ; aussi
toute personne qui les dira tous les jours aura vraye cognoissance de sa mort
trois jours devant qu’il meure : dit que, trois ans a ou plus, lui estant en
la ville de Lyon, et venoit de Lombardie, et s’en venoit à Poictiers, ung
nommé Jehan Potier (autrement ne le cognoist ne ne scet son nom de quoy il
sert) lui bailla lesdites oroisons, et lui dist qu’elles estoient bonnes pour
porter avecques soy de paour de feu, d’eaues et autres malles adventures, et
lui dist et declaira que, s’il les disoit tous les jours qu’il sauroit bien
sa mort trois jours avant qu’il morust, et en effect lui declaira les
puissances et vertuz des dites oroisons, ainsi qu’il est escript cy dessus ;
mais dit sur son ame que jamais ne l’essaia ne fist essaier en aucune
manière. [26] Interrogué que
signiffient cinq petiz brevets en parchemin qui sont atachez au bout des
dites oroisons, quelx vertu ilz ont, à quoy ilz sont bons ne où il les a
prins, et premièrement interrogué sur le premier d’iceulx : dit que en
icellui est escript : Lyessetel Dominum Sudaly Crucis Crucis Gelyn
Agantabell Oyel. Et dit que s’est pour guerir des dens. Que signiffient
les croix qui y sont ne que s’est à dire en françois les dits motz, il ne le
scet pas et ne le sauroit declairer. Et dit, sur ce interrogué, que les dits
cinq brevetz il extrahit à Poictiers, trois ou quatre ans a ou environ, d’un
livre appartenant à frère Jehan Boussin, cordellier, nommé cy devant ; et n’a
sceu lire ne declairer qu’il y a escript en deux petites lignes qui sont
escriptes oudit brevet, au dessus du latin cy devant dit. [27] Interrogué sur le
deuxiesme brevet, qu’il y a escript et qu’il signiffie : dit qu’il ne sauroit
lire ce qui y est escript, mais scet bien qu’il signiffie et à quoy il est
bon, et dit que s’est pour savoir quans jours desvoyez il y a en chascun moys
; dit qu’il ne le sauroit congnoistre sur le dit brevet, ne ne scet quans
jours il y doit avoir desvoyez en chascun moys, fors qu’il lui semble que en
janvier y en a deux ; s’ilz sont en commancement, au milieu ou en la fin, il
n’en scet riens. [28] Interrogué sur le
troisiesme brevet, où il est escript en françois : Charles, au lundi,
mercredi et vendredi ; Simon, au vendredi, assailliz ; André, au mercredi ou
au jeudi ; Pierre, au lundi, mercredi ou jeudi, accordez ; Guillaume, au
mercredi ; et, se le dit Guillaume vous assault, si vous deffendez ; Etienne,
au jeudi ou au lundi, et vous accordez ; que signiffient les choses cy
dessus escriptes : dit que, lui estant à Poictiers, trois ans a ou environ,
où il besongnoit de son mestier d’enlumineur et avoit plusieurs grans
serviteurs dont il ne se pouvoit aidier, à ung jour entre autres se aparla
avecques frère Jehan Boussin et lui dist qu’il avoit des serviteurs dont il
ne se povoit aidier, comme dit est, et avoit doubte qu’ilz le voulsissent
maller s’ilz lui disoient aucune chose ; et le dit Boussin lui dist qu’il
avoit ung livre d’astrologie duquel il lui extrairoit ung brevet de ce qu’il
devroit faire, et que selon les noms d’eulx il les conduiroit paisiblement,
et aussi es autres jours, s’il leur demandoit riens, qu’ilz le pourroient
maller. Et au regard de Charles, premier nommé, dit qu’il devoit parler à lui
mercredi et vendredi pour bien besongner ; l’autre, nommé Simon, s’il lui
demandoit riens au vendredi, il se povoit deffendre sans qu’il le peust
maller ; André, au mercredi ou au jeudi pareillement ; Pierre, au lundi ou au
mercredi ou jeudi, s’ilz avoient noise lui et ledit Pierre, aus dits jours
ilz se accorderoient bien ; l’autre, nommé Guillaume, au mercredi parler à
lui, et, se le dit Guillaume l’assailloit, qu’il se deffendeist ; l’autre,
nommé Jehan, au vendredi, et, s’il l’assailloit, qu’il se deffendist ;
l’autre, nommé Estienne, parler au jeudi ou au lundi, et que, s’ilz avoient
noise, qu’ilz accorderaient. [29] Interrogué sur le
quatriesme brevet, où il est escript au commencement : Les bons voyages
que je doiz faire au signe de Virgo, en aoust ou en septembre, que
signiffie icellui brevet : dit que ce qui est escript oudit brevet signiffie
et par icellui povoit congnoistre les bons voyages qu’il devoit faire, tant
en marchandise que autrement, en quelconque lieu qu’il deust aller, et, par
les planectes escriptes oudit brevet, et selon icelles et le jour de son
partement, s’il devoit avoir bien ou mal. [30] Interrogué sur le
cinquiesme desdits brevetz, où il est escript : Ebrodus, unus Deus,
miserere meî ; sur ung vollet gras, d’un poinsson, et qu’il se tourne devers
soulleil levant et picque chascune lectre, etc., dic Pater noster, Ave Maria
; que signiffie ne à quoy il sert : dit que s’est pour guerir des dans, et
qu’il faut prendre ung vollet gras, et avec ung poinsson escripre dessus ces
cinq motz dessus escriptz : Ebrodus, etc., et sur chascun mot picquer
ung couple poinsson, puis dire la Paternostre et l’Ave Maria ; et,
incontinent ce fait, dit qu’il semblera à cellui qui a le mal de la dent que
les poinctures qui seront faictes sur les dites cinq lectres lui redonderont
sur le mal de la dent, et par ce moyen guerira. [31] Interrogué comment
il le scet : dit qu’il le scet parce qu’il, trois ans a ou environ, lui
estant à Crotelles, près Poictiers, il lui fut essayé par ung passant son
chemin, que jamais il n’avoit cogneu ne depuis ne le vit, et dit sur la
dampnacion de son ame que depuis ne l’essaia ne ne feist essaier ; et dit,
sur ce interrogué, que pareillement est pour guerison de dens où il y a au
commancement : In nomine Patris et Filii, ataché aus dits cinq
brevetz, et est l’oroison de saincte Apolline. [32] Interrogué que
signiffie ce qui est escript en ung brevet de pappier aussi ataché aus dits
cinq brevetz, où il y a escript : Messire Girault Cressonnier, de
Saint-Andrieu, demourant à l’oustau de monsr de Saint James ; et en latin
: Resta prosa Prope est claritudinis, que est quarta dominica Adventus
; dit que messire Girault s’est ung prebstre demourant à Bourdeaulx, à qui il
avoit vendu ung petit messel, deux ans a ou environ, et, pour ce que en
icellui messel restoit à mectre une prose où il y a Prope est claritudinis,
que est quarta dominica Adventus, il le mist en memoire, afin qu’il
n’oubliast de le mectre ou dit messel. [33] Interrogué sur le
douziesme desdits articles, s’il a aucuns mauvaiz esperiz familliers ou a eu
: dit que non ; s’il a fait aucunes invocacions de deables qui lui aient
aprins la science de faire chiffres et carataires : dit que non ; combien de
temps il y a qu’il a usé des dits brevetz, carataires, chiffres et de toutes
les choses dessus dites, ne en quielx lieux ne à quelles personnes : dit par
le serement qu’il a fait, et sur la dampnacion de son ame, que jamais de
toutes et chascunes les choses dessus dites ne de chascune d’icelles il ne
usa ne ne s’en aida, ne feist fere par autres, fors en la manière et ainsi
qu’il a depposé cy devant. Et est ce qu’il deppose. >> Einleitung >> Materialien << Bibliotheksstiftung
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